lundi 31 janvier 2011

La Cantatrice chauve, Eugène Ionesco

Fin de la semaine dernière. Allusion au théâtre de l'absurde, et à la différence entre Beckett et Ionesco – ces deux grands de l'absurde. Sauf que quand quelqu'un parle de Ionesco, il pense à la Cantatrice chauve. C'en est presque au point de penser que c'est la seule pièce qu'il ait jamais écrite ; c'est celle qui l'a consacré, en tous cas. J'avais lu Le roi se meurt et Rhinocéros, deux œuvres plutôt formidables et témoignant de beaucoup d'esprit ; mais il était temps de combler cette lacune et d'ajouter une troisième pièce à mes lectures. Ce week-end, j'ai donc lu La Cantatrice chauve.

Projet d'écriture : écrivez une « anti-pièce » en utilisant uniquement des répliques d'un manuel d'apprentissage de l'anglais. Mêler un peu tout pour exterminer le sens et la logique dans leurs moindres recoins. Et vous avez une ionesquerie – si vous me permettez le néologisme.

Le sous-titre est en effet : « Anti-pièce » ; Ionesco s'inscrit là contre le théâtre traditionnel. De la notion d'intrigue à celle de personnage, tout est démonté, mis à bas, réduit à néant. Au néant du non-sens, plus exactement. L'absurde ici est celui du langage, poussé à son extrême limite. Il ne signifie plus rien, notamment parce qu'on fait fi de toute logique. On peut dire une chose et son contraire, ce n'est plus contradictoire. C'est la nouvelle règle du jeu – si tant est qu'il y en ait une. Comme cette horloge qui peut sonner à tout moment, une fois comme vingt-neuf fois de suite, les catégories de la pensée qui règlent notre vie de tous les jours, à nous autres humains, sont balayées.

Tout cela est donc fort drôle. C'est un peut comme un serpent qui se mort les pattes et récite des formules de mathématiques en bramant, vous voyez. Mais peut-être plus que jamais, on sent ici à la lecture à quel point la pièce a besoin d'un représentation pour rendre tout son suc, atteindre tout son potentiel comique. Car c'est aussi le danger d'un tel fonctionnement : on risque très vite de tourner à vide, et ce qui peut faire hurler de rire peut aussi s'avérer lassant. Heureusement, la pièce est courte, j'ai donc évité cet écueil à la lecture. Mais pour une mise en scène, l'enjeu est grand ; on pourrait croire que le matériau initial permet de réussir à tous les coups, mais il me semble que le défi est pourtant bien au rendez-vous.


Extrait

LE POMPIER : Eh bien, voilà. (Il toussote encore, puis commence d'une voix que l'émotion fait trembler.) « Le Chien et le boeuf », fable expérimentale : une fois, un autre boeuf demandait à un autre chien : « pourquoi n'as-tu pas avalé ta trompe ? » « Pardon, répondit le chien, c'est parce que j'avais cru que j'étais éléphant. »

Mme MARTIN : Quelle est la morale ?

LE POMPIER : C'est à vous de la trouver

M. SMITH : Il a raison.

Mme SMITH, furieuse : Une autre.

LE POMPIER : Un jeune veau avait mangé trop de verre pilé. En conséquence, il fut obligé d'accoucher. Il mit au monde une vache. Cependant, comme le veau était un garçon, la vache ne pouvait pas l'appeler « maman ». Elle ne pouvait pas lui dire « papa » non plus, parce que le veau était trop petit. Le veau fut alors obligé de se marier avec une personne et la mairie prit alors toutes les mesures édictées par les circonstances à la mode.

M. SMITH : À la mode de Caen.

M. MARTIN : Comme les tripes.

LE POMPIER : Vous la connaissiez donc ?

Mme SMITH : Elle était dans tous les journaux.

Mme MARTIN : Ça s'est passé pas loin de chez nous.

Un balcon en forêt, Julien Gracq



Extrait 1

Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait à l'aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait : il s'aperçut qu'il n'y avait plus en vue une seule maison. Le train, qui suivait la rivière lente, s'était enfoncé d'abord entre de médiocres épaulements de collines couverts de fougères et d'ajoncs. Puis, à chaque coude de la rivière, la vallée s'était creusée, pendant que le ferraillement du train dans la solitude rebondissait contre les falaises, et qu'un vent cru, déjà coupant dans la fin d'après-midi d'automne, lui lavait le visage quand il passait la tête pas la portière. La voie changeait de rive capricieusement, passait la Meuse sur des ponts faits d'une seule travée de poutrages de fer, s'enfonçait par instants dans un bref tunnel à travers le col d'un méandre. Quand la vallée reparaissait, toute étincelante de trembles sous la lumière dorée, chaque fois la gorge s'était approfondie entre ses deux rideaux de forêt, chaque fois la Meuse semblait plus lente et plus sombre, comme si elle eût coulé sur un lit de feuilles pourries.


En début de semaine dernière, je me suis aperçu que je n'avais rien lu de consistant ces derniers temps. Quoi de mieux qu'un bon roman d'un auteur qu'on apprécie particulièrement pour se remettre dans le train de lectures régulières ? Le choix d'un Julien Gracq s'est donc imposé très vite. Je l'ai découvert il y a quelque chose comme deux ans et demi avec En lisant en écrivant, recueil de réflexions littéraires et artistiques qui m'ont passionné et impressionné. J'ai poursuivi ma découverte plutôt doucement, avec la lecture d'Au château d'Argol, son premier roman, et plus récemment avec Le rivage des Syrtes, généralement considéré comme son chef-d'œuvre, et qui lui valut d'ailleurs le prix Goncourt en 1951 – que Julien Gracq refusa, ayant auparavant écrit des essais dénigrant ce genre de récompense littéraire et critiquant l'ambiance déplaisante du monde littéraire français de l'époque.

J'ouvre donc Un balcon en forêt, qui m'attendait dans ma bibliothèque depuis un moment, avec cette étonnante sensation d'être déjà entièrement gagné avant même d'avoir lu la moindre. Que dire en effet de cette prose poétique somptueuse, si ce n'est qu'elle me ravit et me fascine ? Alors, bien sûr, il ne se passe rien : nous suivons un certain Grange, lieutenant de l'armée française, qui fait sa « drôle de guerre » dans une des petites casemates de la ligne Maginot qui fait face aux Ardennes. Perdu dans les bois, il n'y a que la contemplation de la nature, les rapports avec les trois hommes qui sont sous ses ordres et une rencontre avec une femme – une jeune fille – une jeune fée – qui se profile assez rapidement. Mais cette « pure attente » est des plus fascinantes.


Extrait 2

Ce qu'on avait laissé derrière soi, ce qu'on était censé défendre, n'importait plus très réellement ; le lien était coupé ; dans cette obscurité pleine de pressentiments les raisons d'être avaient perdu leurs dents. Pour la première fois peut-être, se disait Grange, me voici mobilisé dans une armée rêveuse. Je rêve ici – nous rêvons tous – mais de quoi ? Tout, autour de lui, était trouble et vacillement, prise incertaine ; on eût dit que le monde tissé par les hommes se défaisait maille à maille : il ne restait qu'une attente pure, aveugle, où la nuit d'étoiles, les bois perdus, l'énorme vague nocturne qui se gonflait et montait derrière l'horizon vous dépouillaient brutalement, comme le déferlement de vagues derrière la dune donne soudain l'envie d'être nu.


Malgré la situation du roman dans un espace-temps déterminé, ancré dans la réalité, rien de proprement réaliste chez Gracq, jamais. Il y a toujours une dimension d'enchantement, d'envoûtement, de charme. Ces mois de la « drôle de guerre » constituent peut-être d'ailleurs le moment de l'histoire de France le plus perméable au rêve, au délire même. Les frontières de la réalité se floutent, se fondent, se confondent. Ne reste donc que le miracle renouvelé d'une prose poétique, architecture complexe de mots et de significations qui se mêlent, s'emmêlent et ouvrent des possibles, où la beauté, toujours, règne en maîtresse impartiale.


mardi 25 janvier 2011

La Cerisaie - Tchekhov


Que dire de plus de Tchekhov ? C'est d'autant plus difficile pour moi que je le connais trop bien. En effet s'il y a un auteur de théâtre que j'apprécie c'est celui-ci. La Cerisaie qui est considérée comme une des œuvres majeures du maître m'a moins plus que La Mouette, sans parler de Platonov, son terrible chef-d’œuvre de jeunesse (je ne le répéterai jamais assez). Peut être est-ce parce que comme dans ses nouvelles, on y parle un peu plus d'argent, de situation sociale et un peu moins de désespoir (vous l'aurez compris, il s'agit d'un écrivain russe). Mais le seul véritable thème reste comme toujours les personnages. Le premier acte, qui est un acte d'exposition est un peu trop long. Il parait confus et il y a trop de personnages à retenir, mais au théâtre cela doit être tout à fait différent. L'une des choses que j'aime chez Tchekhov c'est qu'il ne semble pas prendre parti pour l'un ou l'autre de ses protagonistes mais garde une certaine distance et laisse le spectateur seul juge. Ici pas de héros. Tout les personnages ont une faiblesse ou des petites manies qui les rendent extrêmement agaçants et sympathiques à la fois. L'éternel étudiant Trofimov est pédant, la propriétaire Andréevna est inconséquente et gaspille son argent, son frère Gaev fatigue les gens par ses longs discours, le valet Yacha pue l'arrogance et même le sensé Lopakhine n'arrive pas à se décider à épouser Varia. Certains se détestent, d'autres s'entendent bien et il n'y en a pas un qui doit être mieux que les autres.

Extrait :
LIOUBOV ANDREEVNA
Il faut être un homme à votre âge, il faut comprendre ceux qui aiment. Il faut aimer soi-même... tomber amoureux! (Avec colère :) Oui, oui et ce n'est pas de la pureté, vous n'êtes qu'un petit garçon, un type ridicule, un avorton....

TROFIMOV, épouvanté
Mais qu'est ce qu'elle dit ?

LIOUBOV ANDREEVNA
" Je suis au dessus de l'amour "! Vous n'êtes pas au dessus de l'amour, vous n'êtes tout bonnement q'un empoté, comme dit notre Firs. Quand je pense, à votre âge, ne pas avoir de maîtresse!...

TROFIMOV, épouvanté
C'est affreux! Mais que dit-elle? (Il se dirige rapidement vers la salle, la tête dans les mains.) C'est affreux... Je n'en peux plus, je m'en vais... (Il sort, mais revient aussitôt.) Tout est fini entre nous!

Il va vers le vestibule.

LIOUBOV ANDREEVNA, criant derrière lui.
Pétia, attendez! Que vous êtes drôle! C'était une plaisanterie, Pétia! (On entend quelqu'un monter vivement l'escalier, dans l'entrée, puis rouler en bas avec fracas. Ania et Varia poussent des cris, mais très vite, on entend des rires.) Que se passe-t-il ?

Ania entre en courant

ANIA, riant.
Pétia est tombé dans l'escalier!

Elle se sauve.

LIOUBOV ANDREEVNA
Quel drôle de type, ce Pétia...
Note : 4/5

mercredi 19 janvier 2011

Imaginaires

Comment oublier ses premiers amours ? Cela semble impossible et c'est pour cette raison que j'ai décidé de créer une nouvelle catégories intitulée "Imaginaires", regroupant plusieurs genres littéraires souvent injustement méprisés, mais que les amateurs aiment regrouper dans une bibliothèque à part : la science-fiction, le fantastique et la fantasy. Ces trois nominations ne révèlent d'ailleurs pas les infinies possibilités que contiennent l'heroic fantasy, la low fantasy la world fantasy, l'urban faërie, la space fantasy, la science-fantasy, l'uchronie, la hard science-fiction, le steampunk, le cyberpunk, sans oublier l'âge d'or de la science-fiction, la mythologie, la légende, le "merveilleux" médiéval et les milliers d'auteurs particuliers que l'on peut rattacher à ces courants pour le moins hétéroclites. Cette liste non exhaustive de subdivisions arbitraires, aussi nombreuses que peut en connaitre le heavy métal (symphonique, black, white...) n'a pas pour vocation de faire peur mais de montrer toutes les différences qu'il peut y avoir entre Homère et Robin Hobb, d'Isaac Asimov à Harry Potter en passant par l'incontournable J.R.R Tolkien. Alors pourquoi cette littérature garde-t-elle encore (en France en particulier) cette images de lectures pour adolescents attardés ? Pourquoi pour l’Éducation Nationale (par ailleurs relativement aveugle à tout ce qui n'est pas mort et Français, oui monsieur !), en dehors du Horla de Maupassant point de salut ? Le sujet a déjà été maintes fois traité en profondeur, aussi me contenterais-je de répondre que pour certaines personnes, l'élévation d'une culture officielle rassure ("Je ne suis pas inculte, j'ai lu une fois Bel-Ami dans ma vie"). Cela dit il est évident que les mentalités sont en train d'évoluer. Pour preuve Goscinny rappelait que lorsqu'il a commencé Astérix, on accusait la bande-dessinée de favoriser la délinquance.

lundi 17 janvier 2011

Amers, Saint-John Perse

Extrait 1 (incipit)

« Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes, nous laisserez-vous un soir aux rostres de la Ville, parmi la pierre publique et les pampres de bronze ?

Plus large, ô foule, notre audience sur ce versant d'un âge sans déclin : la Mer, immense et verte comme une aube à l'orient des hommes,

La Mer en fête sur ses marches comme une ode de pierre : vigile et fête à nos frontières, murmure et fête à hauteur d'hommes – la Mer elle-même notre veille, comme une promulgation divine... »



J'ai découvert ce poète il y a deux ans avec Vents et j'ai achevé récemment l'intégralité de son œuvre poétique – plutôt modeste - avec ce recueil, Amers, qui est peut-être ce qu'il a écrit de plus beau. La poésie de Saint-John Perse est sans doute une des moins accessibles qui soit. On a l'impression d'avoir à nouveau une douzaine d'année et de lire ses premiers gros romans ; on ne comprend pas tous les mots, mais on adore. Le poète est en effet un amoureux des mots, et il affectionne utiliser ceux qu'on ne trouve même pas dans un dictionnaire basique ; il pratique même à l'occasion les néologismes. Mais quelles délices que ces associations sensuelles, que ces versets qui chantent la mer et les parfums exotiques...

Extrait 2

« … Ah ! tout n'est-il que cette éclosion de bulles heureuses qui chantent l'heure avide et chantent l'heure aveugle ? Et cette mer encore est-elle mer, qui creuse en nous ces grands bas-fonds de sable, et qui nous parle d'autres sables ? »


Vous l'aurez remarqué, pas de métrique régulière ici, mais de longues périodes dont le rythme profond me fascine ; pas de rimes, mais des échos sonores ici et là qui structurent l'ensemble avec une finesse poétique qui témoigne d'une maîtrise parfaite du langage. Trop parfaite pourrait-on objecter. On peut en effet reprocher à Saint-John Perse son côté encyclopédique, son côté par trop sibyllin... Pour ma part, je m'immerge complètement. Quelle force se dégage de ce poème ! Je retrouve quelque chose de l'épopée, quelque chose de grand qui soulève le cœur et le remplit d'ardeur – c'est encore plus vrai pour Vents. Ces versets ont même à l'occasion quelque chose de biblique, quelque chose d'un grand récit sur la genèse du monde et le cœur de l'homme.
Et je suis transporté.
Je reste bien conscient qu'il est difficile d'être accroché par cette poésie, mais je tenais à faire partager cette passion que j'éprouve pour cette poésie inqualifiable et qui ne ressemble à nulle autre.

Extrait 3 (pour la route)

« En toi, mouvante, nous mouvant, en toi, vivante, nous taisant, nous te vivons enfin, mer d'alliance,

Ô Mer instance lumineuse et mer substance très glorieuse, nous t'acclamons enfin dans ton éclat de mer et ton essence propre :

Sur toutes baies frappées de rames étincelantes, sur toutes rives fouettées des chaînes du Barbare,

Ah ! sur toutes rades déchirées de l'aigle de midi, et sur toutes places de pierres rondes ouvertes devant toi comme devant la Citadelle en armes,

Nous t'acclamons, Récit ! – Et la foule est debout avec le Récitant, le Mer à toutes portes, rutilante, et couronnée de l'or du soir. »

vendredi 14 janvier 2011

Challenge - Giro in Italia


Lorsque j'ai découvert l'existence de challenges sur internet ça ne m'a pas intéressée,car même si je sais qu'ils s'agit avant tout de prétextes pour échanger autour de livres, j'ai ma fierté de trouver des lectures auxquelles personne n'aurait songé. Cependant le challenge proposé sur le blog Aux Bonheurs de Nane (dont voici la liste des participants) avait tout pour me plaire puisqu'il a pour thème "Giro in Italia" (Balade en Italie).
Voilà ce que je vous propose du 8 décembre 2010 au 9 décembre 2011  : une ballade en Italie ! Au programme :
  • lire au moins 1 livre ou 1 BD d’un auteur italien (peu importe qu’il se déroule en Italie ou pas)
  • lire au moins 1 livre ou 1 BD dont les héros sont italiens et/ou dont l’action se déroule en Italie
  • regarder un film italien (réalisateur italien ou se déroulant en Italie)
  • cuisiner un plat et/ou un dessert italien
C'est un peu de la triche puisque je l'ai déjà remplis, du moins en ce qui concerne l'aspect littéraire qui sera le seul traité ici. Pour les auteur italiens vous pouvez aller voir la catégorie Littérature italienne à droite, en ce qui concerne les romans dont l'action se déroule en Italie il y a pour l'instant Ceux qui vont mourir te saluent de Fred Vargas, surement suivi par beaucoup d'autres... Le film italien et le plat ne devrait pas non plus manquer une fois là-bas. De toute façon j'avais déjà l'intention de continuer de lire d'autres œuvres de la littérature italienne, donc ma participation devrait s'enrichir.

samedi 8 janvier 2011

Messieurs les enfants - Daniel Pennac


Sujet :
Vous vous réveillez un matin et vous constatez que, dans la nuit, vous avez été transformé en adulte. Complètement affolé, vous vous précipitez dans la chambre de vos parents. Ils ont été transformés en enfants.
Racontez la suite.
 Voici la punition donnée par Crastaing, professeur craint et redouté depuis plusieurs générations à trois perturbateurs de sa classe. Cependant quand Igor Laforgue, Joseph Pristky et Nourdine Kader réalisent leur rédaction, voilà que le sujet devient réalité ! Ces pré-adolescents encombrés par leur corps d'adulte et des parents miniatures (autour de cinq à sept ans) vont rapidement aller de catastrophe en catastrophe pour le plus grand plaisir du lecteur. C'est un livre auquel je n'avais pas réussi à accrocher adolescent justement et que j'avais rapidement abandonné, peut être parce qu'il requiert la complicité du regard d'un adulte. Pour ma part j'ai pris cette fois du plaisir à le lire. L'écriture est talentueuse et légère, je ne lui reprocherais peut être qu'un léger manque d'épaisseur. Remarque qui peut être liée à mes goûts personnels souvent éloignés des succès en librairie...

Extrait :
Joseph n'a pas le temps de réagir, la feuille fauchée à son ami Laforgue se trouve entre les doigts du professeur.  
-Igor, je te jure, j'ai rien pu faire, expliquera-t-il plus tard, c'est allé très vite ! Et puis je voulais pas chier dans mon froc. Je te jure, j'ai cru que j'allais chier ! J'ai serré le cul, j'ai pensé à rien d'autre.  
Pour suggérer l'ampleur du désastre, je pourrais décrire ce que Crastaing avait sous les yeux, mais il ne faut pas trop exiger des mots.  Mieux vaut montrer la pièce à conviction, je crois.
Si vous voulez bien tourner la page...
Note :  3/5

vendredi 7 janvier 2011

Livre de l'année 2010

Comme il est parfois coutume et parce que j'ai l'habitude de le faire pour moi-même, j'ai décidé de désigner un "livre de l'année 2010" (que l'on pourra appeler "Léon d'or" ou toute autre appellation ridicule qui reste à définir) parmi la vingtaine que j'ai eu l'occasion de lire. Il se trouve qu'il s'agit sans hésitation de La nuit des princes charmants de Michel Tremblay dont la critique a déjà été écrite, bien que ce blog soit commencé depuis peu. Et pour cause il en est en partie à l'origine. C'est la troisième fois que je vais souligner en rouge dans mon carnet un livre de la collection Babel, le seul que j'aurai lu de l'année, encore une fois après Platonov de Tchekhov (2006) et Œdipe sur la route d'Henry Bauchau (2009) que je vous recommande tout les deux chaudement.
David Duke, vas-tu éditer ce message pour ajouter un commentaire personnel ?

dimanche 2 janvier 2011

Le baron perché - Italo Calvino


Voici un deuxième livre à ajouter à la catégorie "Littérature italienne". Ce ne sera pas le dernier car je vais vivre sept mois à Rome et j'ai déjà commencé à découvrir les auteurs transalpins. Pour l'instant ce sont plutôt de bonnes surprises et "Le baron perché" est un livre extrêmement rafraîchissant. Le principe de départ est tout simple : le jeune Côme, baron du Rondeau, refusant de manger un plat d'escargot, quitte la table familiale pour venir se réfugier dans un arbre. Il décide alors de ne plus jamais en redescendre et se tiendra à ce principe jusqu'au jour de sa mort. Que ce soit par entêtement ou force de caractère, sa situation (symbolique) lui permet d'avoir un regard différent sur le monde. Sa vie dans les arbres (puisqu'il passe de l'un à l'autre) ne l'empêche pas d'ailleurs de vivre en société, de connaître l'amour, la guerre et même d'échanger avec les grands de l'époque (celle des Lumières et de la Révolution). Cette histoire pleine de fantaisie et d'originalité est racontée avec humour mais aussi nourrie par une réflexion. En effet chaque épisode de ce récit peut se lire comme une anecdote amusante ou un conte moral et philosophique.

Extrait :
Côme était descendu du haut de son magnolia jusqu'aux ramures les plus basses et se tenait les pieds plantés sur les deux branches d'une fourche, accoudé à un rameau comme à l'appui d'une fenêtre. Le vol de la balançoire amenait la petite fille exactement sous son nez.
Elle ne s'était jusqu'ici aperçue de rien. Tout à coup elle le vit, là, debout sur son arbre, en tricorne et en guêtres. 
 - Oh ! fit-elle.
La pomme tomba de sa main et roula au pied du magnolia. Côme dégaina son épée, descendit sur la dernière branche, se pencha, atteignit le fruit de la pointe de son épée, le transperça et le tendit à la petite fille qui, entre-temps, avait fait un aller et un retour complet et se trouvait de nouveau là.
- Prenez-là, dit-il, elle ne s'est pas salie ; elle est seulement un peu meurtrie d'un coté.
Note : 4/5