dimanche 17 juin 2012

Tous à Zanzibar, tome 1 - John Brunner


Pour la critique de ce livre, j'aurais vraiment aimé pouvoir vous citer des extraits (malheureusement il se trouve que je ne l'ai plus sous la main). Pourquoi ? Parce que l'auteur a utilisé une technique d'écriture très particulière pour de nombreux chapitre, où au lieu d'un récit, il accumule des phrases sans autres liens entre elles qu'elles permettent de décrire l'univers. Il s'agit en fait de brèves d'information, publicités, extraits de conversations, affirmations sorties de leur contexte... Cette forme de "zapping" est présentée un peu abruptement et sans explication, mais on comprend qu'elle fait partie de SCANALIZER, sorte de journal télévisuel. C'est sans doute cette particularité qui l'a consacré comme un classique de la science-fiction, tout en le rendant relativement indigeste à la majorité des lecteurs. Mais pas seulement. La majeure partie de ce tome 1 reste (et c'est heureux), de facture classique. Pourtant les destins des personnages ne semblent pas vouloir se croiser, ni former véritablement une histoire. Nous partageons une succession de points de vue dont l'ensemble forme une cohérence par la description d'un futur imaginaire... et pas forcément très rose. Surpopulation, écart grandissant entre les riches et les pauvres, augmentation de la violence, mépris des droits de l'homme, toute-puissance de l'argent, guerre froide continuelle entre grandes puissances, utilisation massives de drogues comme exutoire au manque de libertés... tels sont les lots de notre 21ème siècle. Lorsque j'ai commencé ce livre, j'étais persuadé qu'il avait été écrit dans les années 80. En effet la société décrite rappelle la dureté des années Ronald Reagan : ultralibéralisme, glorification de l'individualisme etc. D'autant plus que le personnage principale s'appelle... Donald Hogan. Pourtant, il a bien fallu me résoudre la première édition américaine date de 1969. Les thèmes et leur traitement sont très dickiens, et parfois préfigurent l’avènement du cyberpunk. Donc par certains aspects, cette œuvre m'a complètement scié. C'est un véritable livre de science-fiction, dans le sens où il imagine un futur possible, mais à une époque où les auteurs ne s'intéressaient plus seulement aux sciences dures, mais également aux science humaines. Et là où John Brunner a été le plus fort concerne la sociologie. Il a part ailleurs parfaitement prédit l'importance qu'on pris l'informatique, la chirurgie esthétique et l'omniprésence de l'information, alors que tout cela était beaucoup moins développé qu'aujourd'hui. Pour conclure je peux comprendre à la fois ceux qui affirmeront que c'est une œuvre de génie et ceux qui diront au contraire que c'est un bouquin assez chiant, car malgré tout la lecture est par moments longuette. Pour cette raison, je ne pense pas m'attaquer tout de suite au tome 2.

Note : 3/5

samedi 2 juin 2012

Par-delà le mur du sommeil - H.P. Lovecraft


Impossible d'aborder la littérature fantastique ou d'horreur, sans tomber à un moment ou un autre sur une référence à l'univers évocateur de Lovecraft. A force d'en entendre parler j'ai décidé de le découvrir, d'autant plus qu'une exposition de ses carnets de notes (sur lesquels il écrivait ses idées de récits), faite aux Utopiales à Nantes il y a quelques années avait piqué ma curiosité. Ayant fait main basse sur ce recueil de nouvelles publié par la collection Présence du futur, à la couverture d'un kitch ahurissant mais au demeurant parfaitement approprié, j'ai pu commencer ma lecture. La première courte nouvelle dont le nom a donné celui du recueil, raconte du point de vue d'un médecin, l'enfermement d'un être arriéré, suite à sa découverte d'un monde spirituel supérieur. Elle mérite d'être mentionnée par le simple fait qu'il s'agit d'un ovni littéraire complètement hallucinatoire, dont la comparaison la plus proche que l'on puisse faire est sans doute un trip sous acide. Après cette entrée en matière assez surprenante, j'avoue avoir été assez déçu et j'ai abandonné un moment le bouquin. En effet si on ne peut pas reprocher à l'auteur le manque d'imagination, le style comme la construction de l'intrigue ont assez vieilli. Ce n'est sans doute pas le plus important dans ce genre de récit, mais la construction des phrases est simpliste. Quand aux histoires, elles reprennent généralement les mêmes schémas, dont la répétition empêche un véritable suspense. Et pourtant, sans doute n'étais-je pas dans le bon état d'esprit, car lorsque je me suis décidé à reprendre cette lecture, j'y ai trouvé beaucoup de plaisir. Le thème général, malgré des variantes dans la forme est toujours le même : la découverte d'une force maléfique et très ancienne par un personnage qui tombe progressivement dans la folie. La narration est parfois faite à la première personne, dont certains passages par le truchement d'un journal, mais le plus souvent c'est du point de vue d'un personnage extérieur et sain d'esprit (ami, médecin...), que l'on apprend le déroulement des événements pour les rendre plus crédibles. C'est notamment le cas de "L'affaire Charles Dexter Ward", court roman qui clôture le recueil et dont la structure complexe en fait une vraie réussite. Au fur et à mesure, il y de moins en moins de place pour le doute chez le lecteur, quant à l'existence d'un monde surnaturel et maléfique, invisible mais parallèle à celui que nous connaissons (contrairement à Maupassant par exemple, chez qui l'ambiguïté perdure jusqu'au bout). C'est l'accumulation de détails et d'indices dans ce sens qui contribue le plus efficacement à créer cet univers angoissant et insaisissable qui est devenu la marque de fabrique de l'auteur. Au final si l'écriture de Lovecraft souffre d'un certain nombre de défauts, il n'est pas non plus étonnant qu'il ait eu autant d'impact sur la littérature fantastique. Encore aujourd'hui, son œuvre continue d'influencer la création : les auteurs du MMORPG The Secret World, actuellement en développement, ne cachent pas s'inspirer grandement du maître.

Note : 3/5