jeudi 15 décembre 2011

Notes sur le cinématographe, Robert Bresson


J'ai reçu ces Notes... comme cadeau d'anniversaire de la part d'une amie cinéphile, et me suis donc empressé de les lire. « empresser » n'est pas le terme qui convient : j'ai grappillé ces notes au fil des jours, page après page, pour les digérer.

C'est un des premiers ouvrages que je lis qui s'apparente à ce qu'on pourrait appeler la « théorie du cinéma ». Mais ici, c'est l'auteur de film qui parle, et on sent bien que chaque observation est le fruit d'une pratique quotidienne de cet art que Bresson qualifie de cinématographe, et qu'il oppose radicalement au cinéma, qui est du théâtre mis en image. Presque la moitié des Notes... font référence à cette dichotomie entre le cinéma, pratiqué par tous ou presque, qui utilise les acteurs de théâtres, les moyens du théâtre, la manière de penser l'art du théâtre, et le cinématographe, art grand et noble, dont rares sont les véritables représentants. Il y a de belles choses à tirer de cette distinction, indéniablement. Je suis persuadé que le cinématographe doit en effet s'efforcer de construire ses propres codes, ses propres règles, et qu'elles ne sont pas les mêmes que celle du théâtre. Mais voilà, on finit par se lasser des remarques de Bresson sur cette distinction.

Un certain nombre de remarques, sur d'autres aspects du septième art, font mouche. Je me propose de vous en offrir quelques unes à lire :

« Sois sûr d'avoir épuisé tout ce qui se communique par l'immobilité et le silence. » Voilà un minimalisme qui me parle. Bresson n'est pas réfractaire à l'utilisation de la musique dans les films, mais on sent bien sa réticence face à un cinéma qui en fait sa bouée de sauvetage. Et regardez aujourd'hui...

« Ne cours pas après la poésie. Elle pénètre toute seule par les jointures. »

« Le cinéma sonore a inventé le silence. » Remarquer une évidence, qui, lorsqu'on en prend conscience, ouvre des champs (et des chants) infinis. Waw.

« Ne pense pas à ton film en dehors des moyens que tu t'es faits. » Phrase excellente pour tous les cinéastes en herbe qui s'efforcent de faire un film à partir de trois fois rien. Inutile de s'égarer à rêver à des moyens que l'on a pas. Et cela est vrai pour beaucoup de chose. Un pragmatisme fort utile, voire même salvateur.

« Le réel arrivé à l'esprit n'est déjà plus du réel. Notre œil trop pensant, trop intelligent. Deux sortes de réel : 1° Le réel brut enregistré tel quel par la caméra ; 2° ce que nous appelons réel et que nous voyons déformé par notre mémoire et de faux calculs. Problème. Faire voir ce que tu vois, par l'entremise d'une machine qui ne le voit pas comme tu le vois. »


Une lecture enrichissante, au bout du compte, et fort peu contraignante. A grignoter, amis cinéphiles. Et, en sus, cela donne envie de voir les films de Robert Bresson.

Session de rattrapage : A Song of Ice and Fire



Je n'ai pas posté d'article depuis six mois, mais je n'ai pas cessé de lire pour autant. Et j'ai notamment avancé dans la lecture de l’œuvre de George R. R. Martin, dont j'ai A Clash of Kings et A Storm of Swords courant septembre. Je suis actuellement plongé dans A Feast for Crows, entamé après une pause qui m'a permis de lire des ouvrages plus « scolaires » – mais pas inintéressants pour autant – auxquels je vais d'ailleurs consacrer quelques articles.

Autant faire un article qui aborde les tomes deux, trois et quatre de la saga. C'est finalement une seule grande épopée que dévoile l'auteur, même si les livres offrent chacun une réelle unité, autour du titre et des personnages suivis.

L'évolution de la saga peut se résumer ainsi : toujours plus loin, toujours plus grand. Une myriade de nouveaux personnages, de nouveaux lieux ; de nouvelles cultures, de nouveaux cultes, de nouvelles manières de penser. Et toujours le même enthousiasme à lire. Il grandit même à mesure que se complexifie le « game of thrones ». Le tome trois m'a particulièrement impressionné. Certains mystères restés en suspens depuis les premiers chapitres du premier tome sont dévoilés, et l'auteur se fait toujours un art de brutaliser le romanesque pompier de la fantasy traditionnelle, en prenant des contre-pieds adroits. Je suis contraint de rester dans le vague pour ne rien spoiler, comme on dit. Mais soyez-en convaincu : c'est grand, c'est fort, c'est puissant. Winter is coming, comme la dit la devise des Stark. Et plus que jamais.

Des personnages rangés trop vite dans la catégorie des « méchants » nous deviennent fort sympathique dès qu'on voit l'histoire de leur point de vue. Et cela conforte l'idée : Martin a l'ambition d'un grand conteur et embrasse toute la complexité de l'homme.


On en attend d'autant plus la série de HBO au tournant. J'ai appris avec plaisir que les saisons trois et quatre seraient consacrées au tome trois, ce qui devrait permettre de n'éliminer que peu de choses de la matière originale.