Note : 3/5Tibère avait ôté sa chemise et se laissait chauffer au soleil. Il s'amusait à surveiller, de l'autre coté de la voie antique, le manège d'une femme qui passait et repassait derrière une stèle funéraire. Néron adorait cette promenade sur la voie Appia, à cause des alignements de tombeaux qui hérissaient les talus. Claude l'adorait à cause des prostituées qui campaient à leur ombre. Lui, Tibère, aimait les grosses quantités de grillons.Claude et Néron étaient affalés dans l'herbe. Il y avait une bête sur la joue de Néron et Tibère frappa dessus.-Merci, dit Néron. Je n'avais pas la force.-Ça ne va pas mieux ?-Non. Et Claude ?-Claude ne répond même pas. Il a la tête en plomb.-Qu'est-ce que tu fous torse nu ?-J'attire la jeune femme d'en face, dit Tibère en souriant-Pauvre imbécile murmura Claude.
vendredi 10 décembre 2010
Ceux qui vont mourir te saluent - Fred Vargas
mercredi 8 décembre 2010
Venezia, la ville au bord du temps - Renato Pestriniero
Seymour se dirigea vers l'escalier, et s'engouffra dans le corps de la bibliothèque, un corps énorme et massif, constitué d'escaliers gigantesques et d'espaces sombres dégorgeant d'ombres. De vastes salles dont les murs se diluaient dans l'obscurité l'accueillaient à chaque étage. Des portes closes se succédaient à intervalles réguliers, agrémentés de plaques émaillées ou de morceau de carton jauni fixés avec du ruban adhésif. Les intervalles de mur entre les portes étaient entièrement occupés par de grosses armoires en bois et par des étagères métalliques qui s'élevaient jusqu'au plafond. Au sommet de certaines armoires, il y avait des coffres, des caisses, voire d'autres armoires couchées sur le flanc. Au centre de chaque mur s'ouvrait une vaste porte en arche aux huisseries en marbre sculpté surmonté de chapiteaux qui donnaient accès aux rampes d'escalier. L'éclairage provenait de petites lampes électriques placées à l'intérieur de lanternes en fer forgé suspendues au plafond par de longues chaînes. Les lanternes éclairaient avec peine quelques mètres carrés, le reste de la salle restait dans l'ombre.
Note : 4/5
lundi 29 novembre 2010
Trois récits, Jean-Luc Lagarce
dimanche 28 novembre 2010
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, Jean-Luc Lagarce
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, Jean-Luc Lagarce, écrit en 1994, publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
La pluie semble être le motif motivant mes lectures ces derniers jours ; il s'agit pourtant d'une coïncidence. J'ai acheté cette pièce hier – trouvée d'occasion – et comme je lis tous les Lagarce qui me tombent sous la main depuis que j'y ai goûté, celle-ci a occupé une petite partie de mon après-midi.
Extrait 1, incipit
« L'AÎNÉE. – J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne.
Je regardais le ciel comme je le fais toujours, comme je l'ai toujours fait,
je regardais le ciel et je regardais encore la campagne qui descend doucement et s'éloigne de chez nous, la route qui disparaît au détour du bois, là-bas. »
Cinq femmes dans une maison, qui attendent, depuis la mort du père, le retour du fils banni par le premier. Et voici que justement, il revient. Il arrive, et il s'écroule dans l'entrée, sans même un mot. Épuisé par son voyage, ses errances. On le couche. Et les femmes parlent. La mère, les sœurs, expriment leur attente enfin récompensée et pourtant toujours aussi assoiffée puisque l'homme n'a encore rien dit. S'enchainent donc les monologues des femmes. Leur pensée s'écoule, se cherche, se formule pas à pas, de cette écriture si particulière à Lagarce, faites de répétitions et de corrections, de phrases interminables, d'alinéas intempestifs. Derrière l'amour que l'on prétend porter, et qui est la raison d'une attente qu'on ne saurait quantifier (des années, des années perdues) se dessinent peu à peu dans les mots le ressentiment, le reproche, la mauvaise foi. On lui reproche de n'avoir jamais donné signe de vie, alors qu'on lui portait tant d'amour, qu'on l'attendait si fort. Mais surtout, on aurait voulu partir, on lui en veut d'être parti de cette maison qu'on voudrait tant quitter. Un peu comme chez Tchékhov, on est englué, personne n'agit, on ne fait que parler, que regretter, et l'on vieillit, car le temps passe, mais c'est ainsi...
Comme chez Duras, les mots sont simples, les gens sont humbles. Et pourtant, c'est un vrai poème. Ce n'est pas un beau texte à proprement parler ; et sur une scène, il n'est certainement pas à prononcer comme un beau texte. La beauté vient comme par surcroît. Mais elle est bien réelle, suffocante.
Extrait 2
« LA SECONDE. – Longtemps, j'ai cru cela, qu'est-ce que j'en sais ? chose que j'ai lue, les livres que tu me lis ou me racontes, longtemps j'ai cru cela, l'idée que j'ai,
longtemps j'ai pensé ne pas survivre et me faire dévorer peu à peu par l'inquiétude et la douleur,
que je serai vieille, que je vieillirai à cause de lui, l'attendre, longtemps j'ai cru cela, que cela me détruira, le mot, que cela me détruira,
longtemps, j'ai cru cela, ce qui arrive, aujourd'hui, ce retour, je le craignais et j'en avais peur,
longtemps, j'imaginais que la mort de celui-là, la mort du jeune frère, longtemps j'ai cru, et voulu croire que sa mort m'emporterait avec lui. »
Cette œuvre, écrite un an avant la mort de l'auteur – qui se sait condamné, il a le sida – est touchante par cette recherche de mots pour dire, seulement dire, tout ce qui est là, tous ces sentiments, et finalement tout cet amour, aussi. Et, ce qui est si agréable avec le théâtre, il n'y a pas de narrateur, pas de commentaires donc, juste ces mots de femmes présentés au lecteur – au spectateur le cas échéant, mais dans une mise-en-scène, force est d'interpréter (justement) et ce sont des acteurs qui parlent.
La Pluie d'été, Marguerite Duras
samedi 27 novembre 2010
La nuit des princes charmants - Michel Tremblay
Extrait :
" Tu t'en vas dans l'Est ? "
- Oui, oui... "
L'autobus arrivait... J'avais de la difficulté à parler tellement j'étais essoufflé. Lui continuait à sourire
"C'est quequ'chose, monter la côte Sherbrooke avec toute c'te glace-là, hein ?
- Ah ! oui... (Continue, continue... parle ! Une niaiserie, n'importe quoi, mais parle !) C'est quequ'chose... "
(C'est tout ? T'as rien trouvé de mieux que de répéter ce qu'y venait de dire ? T'es pas juste niaiseux, t'es t'épais rare !)
Note : 5/5