lundi 29 novembre 2010

Trois récits, Jean-Luc Lagarce



Trois Récits, Jean-Luc Lagarce, publiés aux éditions Les Solitaires Intempestifs

J'ai acheté ce livre d'occasion, en même temps que celui que j'ai commenté hier. L'ai lu hier soir. Les trois récits en prose de Lagarce, l'Apprentissage, le Bain, et le Voyage à La Haye. Écrits en 93 pour les deux premiers et en 94 pour le dernier. L'Apprentissage est une fiction autobiographique, un récit écrit dans le cadre d'un thème : « Récits de naissance. » Je ne vais pas vous en parler ici, car une bonne part de l'intérêt de la nouvelle réside dans l'ambiguïté autour du narrateur et de la « naissance » dont il est question. Le second récit, c'est l'émouvante confrontation entre le narrateur et G., un amant qu'il revoit et qui est déjà très affaibli par la maladie. Ces corps détruits, destinés à mourir, se rencontrent, se racontent.
Extrait 1, le Bain
« Ce fut difficile, difficile et impressionnant, et encore, aujourd'hui, le souvenir que j'en garde, comme un grand bonheur, un des derniers moments, temps de bonheur, qui m'ait été donné. »
Il y a quelque chose de naturellement dramatique dans la vie de Lagarce : la mort annoncée, qui se rapproche de plus en plus en détruisant toute la beauté du corps, en limitant ses capacités peu à peu, jusqu'à l'état végétatif qui précède une mort inévitable. Que faire du temps qu'il reste ? Comment vivre ? Dans le Voyage à La Haye, Lagarce raconte la vie de la troupe qui tourne, en France, en Europe, les répétitions, les représentations, les rencontres mondaines. La fatigue. Le découragement. Ce « à quoi bon ? » qui hante Louis, le personnage de Juste la fin du monde. « A quoi bon ? » de la condition humaine qui devient le refrain lancinant du mortel qui se meurt. D'où les mots, la parole, dont on ne sait pas trop si elle sert vraiment à quelque chose, mais au bout du compte, c'est tout ce qui reste. Récit ou théâtre, quelle différence ? C'est toujours la parole de Lagarce – il ne cherche pas à s'en cacher –, c'est toujours son urgence, son besoin de dire. Mais dire quoi ? Dire l'amour, la beauté – la vie. Ou plutôt ne pas la dire, essayer, seulement. Dans ces nouvelles, il n'y a pas de personnages, pas de nom qui annonce qui parle. Mais c'est la même écriture, la même parole que dans son théâtre. D'ailleurs, le Bain et l'Apprentissage sont mis en scène régulièrement. Comme je le disais hier pour J'étais dans ma maison... il s'agit d'un poème. Une voix qui prend la scène, l'occupe et l'intensifie ; et cela suffit.


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