Je vous ai déjà parlé de mon attachement à la collection Présence du Futur aux éditions Denoël, référence de la science-fiction en France pendant des dizaines d'années. C'est pourquoi lorsque je découvre des exemplaires en vide-greniers, j'hésite rarement à les acheter. Surtout lorsqu'il s'agit d'éditions récentes qui me permettent de découvrir des auteurs modernes, comme ce fut le cas dernièrement de Mike Resnick, différents des habituels Asimov qui de toute façon se retrouvent partout à très faible prix. C'est pourquoi lorsque je suis tombé sur une mine dans une petite bouquinerie havraise, j'ai été attiré par la belle couverture en noir et blanc d'un livre sur Venise. Je n'avais pas remarqué tout de suite la mention Présence du Fantastique, collection sœur de la précédente et qui n'a visiblement pas connu beaucoup d'éditions.
Le personnage principal et le fil conducteur de ce recueil de nouvelles est sans aucun doute Venise, qu'elle soit représentée sous la forme d'une femme ou simplement de la ville. L'histoire est racontée systématiquement du point de vue d'un homme raisonnablement cultivé, double de l'auteur, selon un procédé très classique dans le domaine du fantastique (Maupassant par exemple). Cependant à la différence de celui-ci, si l'intrigue verse souvent dans le trouble, voir l'étrange et le poétique, elle ne franchit jamais le cap de l'horreur. L'auteur prend du recul par rapport à ce qu'il raconte et semble vouloir mettre le lecteur mal à l'aise, mais jamais véritablement en danger. En fait il utilise l'onirisme et le décalage dans ses nouvelles un peu à la manière de son compatriote Dino Buzzati, sans toutefois y arriver aussi bien. On retrouve aussi quelques accents proches de Bradbury qui s'est lui aussi essayé au fantastique : dégoût de la publicité, du tourisme de masse (à Venise !) et d'une certaine manière de la société moderne, goût au contraire pour le silence, les promenades solitaires et une ville insolite qui se transforme petit à petit en un énorme Disneyland. Comme il nous l'explique dans sa préface, Renato Petistriniero nous invite à ralentir notre rythme pour découvrir la poésie au coin d'une rue de Venise inconnue des touristes.
Extrait :
Seymour se dirigea vers l'escalier, et s'engouffra dans le corps de la bibliothèque, un corps énorme et massif, constitué d'escaliers gigantesques et d'espaces sombres dégorgeant d'ombres. De vastes salles dont les murs se diluaient dans l'obscurité l'accueillaient à chaque étage. Des portes closes se succédaient à intervalles réguliers, agrémentés de plaques émaillées ou de morceau de carton jauni fixés avec du ruban adhésif. Les intervalles de mur entre les portes étaient entièrement occupés par de grosses armoires en bois et par des étagères métalliques qui s'élevaient jusqu'au plafond. Au sommet de certaines armoires, il y avait des coffres, des caisses, voire d'autres armoires couchées sur le flanc. Au centre de chaque mur s'ouvrait une vaste porte en arche aux huisseries en marbre sculpté surmonté de chapiteaux qui donnaient accès aux rampes d'escalier. L'éclairage provenait de petites lampes électriques placées à l'intérieur de lanternes en fer forgé suspendues au plafond par de longues chaînes. Les lanternes éclairaient avec peine quelques mètres carrés, le reste de la salle restait dans l'ombre.
Note : 4/5
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