dimanche 28 novembre 2010

La Pluie d'été, Marguerite Duras




La Pluie d'été, Marguerite Duras, paru le 1er janvier 1990 aux éditions P.O.L

J'ai découvert ce texte à l'occasion d'une lecture publique que j'exécutai avec quelques amis à la bnf, une « pause lecture » dans le cadre d'un séminaire national que nous avions été invités à meubler. Parmi les lectures proposées au public, nous lisions les premières pages de ce roman de Marguerite Duras.
Extrait :
« Les livres, le père les trouvait dans les trains de banlieue. Il les trouvait aussi séparés des poubelles, comme offerts, après les décès ou les déménagements. Une fois il avait trouvé la Vie de Georges Pompidou. Par deux fois il avait lu ce livre-là. Il y avait aussi des vieilles publications techniques ficelées en paquets près des poubelles ordinaires mais ça, il laissait. La mère aussi avait lu la Vie de Georges Pompidou. Cette Vie les avait également passionnés. Après celle-là ils avaient recherché des Vies de Gens célèbres – c'était le nom des collections – mais ils n'en avaient plus jamais trouvé d'aussi intéressante que celle de Georges Pompidou, du fait peut-être que le nom de ces gens en question leur était inconnu. Ils en avaient volé dans les rayons « Occasions » devant les librairies. C'était si peu cher les Vies que les libraires laissaient faire. »

Ce premier paragraphe est bien représentatif du roman. À Vitry, une famille d'immigrés en marge. Le père venu d'Italie. La mère, de quelque région de l'est (Ukraine ? Sibérie ?) Des Vies qui ne valent rien. La valeur est autre, ailleurs. Ernesto, l'ainé, ne reste que dix jours à l'école avant de la quitter : « je retournerai pas à l'école parce que à l'école on m'apprend des choses que je sais pas. » Rien de réaliste chez Duras, on est plongé dans la réalité de ces gens mais il y a quelque chose de plus, quelque chose qu'on ne comprend pas, et qui est beau. Un amour qu'on ne peut pas dire. Des silences qui s'égrainent. Des dialogues sur le mode théâtral, avec les noms indiqués en italique. Et la Neva, cette chanson de la mère, un air russe dont elle a oublié les paroles et que tout le monde connait à Vitry sans savoir d'où elle vient. Les « brothers et les sisters » qui passent leur vie dehors, autour des deux ainés, Jeanne et Ernesto, liés par un amour indicible, impossible. Et cet instituteur, qui comprend cette famille, qui comprend Ernesto, si différent et si intelligent, qui comprend ces jeunes enfants et les rejoint sous l'appentis où ils passent leur après-midi. Le bonheur est là.
Il faut accepter avec humilité cette leçon, laisser ses préjugés d'intellectuel, suivre pas à pas l'écriture de Duras, les mots simples de ces gens, main dans la main avec eux. Entendre la pluie d'été tomber sur Vitry et nous rincer le visage et l'esprit.


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