Puisque je parle de leçons de vie, un autre bouquin lu le mois dernier, et des plus dignes de figurer ici – à moins que ce soit moi qui soit indigne d'écrire quelque chose à son propos. Rilke est assurément un grand poète, et mon seul regret et de ne pas connaître la langue allemande (enfin, j'ai beaucoup d'autres regrets, mais c'est tout de même plus classe de formuler les choses comme ça, non ?) pour pouvoir profiter pleinement des richesses d'un tel artiste.
Dans ces lettres, Rilke donne des leçons de vie autant que des leçons de poésie – mais comment envisager la poésie sans le mode de vie poétique que toute grande poésie suppose ? Je ne saurais dire si c'est un tel mode de vie qui conduit à sécréter la poésie, ou si l'attirance poétique et la création de l'artiste le conduisent à vivre sa vie selon leur mesure ; ils s'influencent l'un-l'autre, probablement.
Ce livre est à compter au nombre de ceux qui changent mon regard sur le monde, sur les hommes – sur la poésie. Il n'en reste pas moins que, après quelques semaines – seulement ? – ma vie est sensiblement la même. Que faire si ce n'est constater que je ne suis pas poète, n'ayant pas la force (l'envie ? La volonté ? …) de me faire poète et de vivre ma vie selon les exigences que cela entraine. On lit des grands livres de grands hommes, on s'émeut, on s'émerveille...mais un jour, il faut bien l'admettre : je vis ma vie médiocrement au milieu de milliards d'autres hommes dont seulement quelques uns ont la force (l'envie ? La volonté ? …) de transformer leur existence.
Reste l'admiration, et la beauté rencontrée au détour d'une page.
Extrait 1
« Permettez-moi de formuler ici tout de suite cette prière : autant que possible, lisez peu de réflexions d'ordre esthétique et critique – ou bien ce sont des vues partisanes, figées et désormais dépourvues de sens dans leur pétrification sans vie, ou bien ce sont d'habiles jeux de mots où telle conception l'emporte aujourd'hui et la vision contraire le lendemain. La solitude qui enveloppe les œuvres d'art est infinie, et il n'est rien qui permette de moins les atteindre que la critique. Seul l'amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit. »
Extrait 2
« Dans une seule idée d'un créateur vivent mille nuits d'amour oubliées qui la comblent de majesté et de grandeur. Et ceux qui la nuit s'unissent et s'enlacent dans le plaisir qui les berce font œuvre sérieuse et rassemblent des douceurs, de la profondeur et de la force pour le chant de quelque poète à venir qui se lèvera pour dire d'ineffables délices. »