Dans un article précédent j'écrivais un court commentaire de chaque livre que j'ai lu durant l'année 2014, jusqu'à m'arrêter à la moitié. Voici la suite.
Markham ou la dévoration, Mike Resnick
J'ai déjà parlé de Mike Resnick. Il élabore ici une réécriture du
mythe de Moby Dick, où la créature est remplacée par un scientifique de
génie disparu depuis des années, et le capitaine Achab par un
journaliste téméraire à l'ambition démesurée. Une part de l'intérêt du
récit est qu'il soit raconté du point de vue d'un explorateur de planète
en charge de l'expédition, mais qui en perd peu à peu le contrôle.
L'absence de prise de position tranchée de la part du narrateur, laisse
le loisir au lecteur de se faire sa propre opinion sur le journaliste
dont la folie contamine l'équipage. En effet sa cruauté sert un intérêt
supérieur : retrouver un vaccin qui permettra de sauver des millions de
vie. Par ailleurs, comme presque toujours chez cet auteur, on y retrouve
des réflexions sur la colonisation. Meilleur que "Ivoire", qui à la
réflexion ne sortait pas vraiment du lot.
Photographie plasticienne, l'extrême contemporain, Dominique Baqué
Étudiant pendant trois ans dans une école qui favorise souvent le
style documentaire et la "straight photography", je dois avouer que la
photographie plasticienne n'est pas vraiment ma tasse de thé. Raison de
plus pour qu'un de nos professeur nous demande de lire cet ouvrage. Au
final, je reste toujours perplexe devant la sécheresse de certains
travaux trop conceptuels pour moi (on ne fait pas de la photo uniquement
avec des idées...), mais force m'est d'avouer que je me suis pris au
jeu de cette lecture pourtant peu évidente. Un panorama de la création
dans ce domaine, mais surtout une introduction à ses problématiques.
Thomas le rimeur, Ellen Kushner
Un bon roman de fantasy à propos d'un barde à la destinée
exceptionnelle, qui fut notamment enlevé par la reine des Elfes. J'ai
apprécié cette histoire racontée par trois narrateurs successifs, mais
je ne suis pas certain que cette lecture m'ait profondément marqué, ce
que j'ai trop souvent la faiblesse d'attendre de la part d'un livre.
Charades pour écroulés, Raymond Chandler
Chandler, c'est l'inventeur de Philip Marlowe, le plus célèbre des
détectives privés, souvent interprété au cinéma par Humphrey Bogart.
L'imper, la cigarette, le chapeau, c'est lui. Ce livre est l'une de ses
enquêtes, on en retrouve toutes les caractéristiques : femmes fatales à
chaque coin de rue, gueules patibulaires, intrigue complexe composée
d'un écheveau de fils entremêlés... Dommage que ce ne soit que ça et que
l'on n'atteigne jamais le niveau de son chef-d’œuvre Le grand sommeil.
Tout comptes faits... ou presque, Stéphane Hessel
Après Indignez-vous ! qui avait eu un énorme succès (4
millions d'exemplaires vendus), Stéphane Hessel a développé ses idées
dans plusieurs publications qui n'ont pas connu le même retentissement.
Des idées consensuelles selon certains, mais il suffit de voir
l'opposition qu'il a soulevé chez des imbéciles, pour comprendre qu'il
n'est pas inutile de les défendre à nouveau. Comme le titre l'indique,
c'est une forme de testament de l'auteur : un retour sur son parcours de
résistant puis d'ambassadeur, mais aussi un moyen de parler de sa
vision du monde. Avant tout, c'est son optimisme qui transparait dans
ses propos : la crise sociale, environnementale et politique que nous
vivons actuellement est selon lui les prémices d'un changement qui
pourrait amener un monde meilleur. Ce n'est pas un vraiment un
philosophe, non plus un grand écrivain (il ne faut donc pas s'attendre à
du Sartre), mais un citoyen engagé qui propose des réflexions dignes
d'intérêt.
Cartographie du merveilleux, André-François Ruaud
Ce livre est une mine d'or, puisqu'il s'agit d'un guide de lecture de
la fantasy. Après une introduction qui présente l'histoire et les
caractéristiques du genre, il propose un court commentaire sur 100
publications dans ce domaine. Le problème de ce genre d'exercice c'est
que s'agissant d'une sélection, qui plus est éditée selon les circuits
traditionnels, il est prié de recouvrir d'un voile pudique les ouvrages
méritant des critiques négatives. Il eut été plaisant et instructif en
effet d'assaisonner de propos amers la salade d'éloges qui est faite.
Cela dit, l'immense culture de l'auteur fait de ce bouquin le meilleur
moyen de faire des découvertes. On s'aperçoit aussi grâce à ce panorama
de la formidable diversité et de la créativité du genre fantastique,
bien souvent cachée malheureusement par la horde des publications
mainstream, qu'André-François Ruaud appelle non sans humour " BCF", pour
"Big Commercial Fantasy" (qui a dit Goodkind ?).
La déchirure, Robin Hobb
J'en parlais à l'instant, on est en plein dedans. Ce livre est
typique des romans de fantasy écrits par des professionnels (qui vivent
de leur plume) et destinés à des adolescents. Robin Hobb est d'ailleurs
une spécialiste du genre et ce premier tome inaugure un nouveau cycle
intitulé Le soldat chamane. Mais ce n'est pas que cela, car au
delà de la quête initiatique plutôt conventionnelle et de l'univers
"médiéval-fantastique" assez générique, quelques idées originales
surviennent. Par exemple, cette race à la culture proche de celles des
amérindiens qui est le prétexte à un choc culturel pour la narrateur.
Bref, une série que j'aurais aimé lire adolescent et que je continuerai
avec plaisir... si je trouve la suite d'occasion.
Marcovaldo, Italo Calvino
Une suite de courts récits d'une poésie rafraîchissante. Marcovaldo
est un prolétaire rêveur, qui se désole de ne pas pouvoir habiter à la
campagne et de devoir se serrer la ceinture pour nourrir ses enfants,
mais qui trouve l'aventure à chaque coin de rue. Calvino est dans le
registre du conte, ce qui ne l'empêche pas de dépeindre avec tristesse
notre société de consommation et d'urbanisation effrénée où l'humain a
bien du mal à trouver sa place.
Le mec de la tombe d'à coté, Katarina Mazetti
Une histoire d'amour à la croisée d'Anna Gavalda et de Bridget Jones
entre deux personnes que tout oppose, une bibliothécaire et un
agriculteur. Alors oui, c'est drôle, oui, c'est touchant, parfois même
pas si bête, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'être agacé par le mélange
de guimauve et d'humour trash, qui correspond trop précisément à ce qui
plaît souvent au lectorat féminin.
Platonov, Anton Tchekhov
La claque que je me suis pris dans la gueule à 18 ans. L'une de mes
très rares relecture, faite parce que j'avais le cafard. Toujours mon
auteur de théâtre préféré.
Théorie du corps amoureux, Michel Onfray
Cette lecture s'est déroulée en parallèle d'une réflexion que
j'effectuais au même moment sur les relations amoureuses et j'aurais
aimé y consacrer un article entier. Avant tout, cet essai de philosophie
est un manifeste pour le libertinage. L'auteur, selon sa méthode
habituelle, y présente à travers une "généalogie du désir", un panorama
de l'histoire de la philosophie occidentale sur le sujet. Il la divise
en deux traditions. Pour résumer il y aurait d'un coté les
essentialistes masochistes (Platon, Pythagore, les chrétiens) et de
l'autre les matérialistes jouisseurs (Épicure, Lucrèce, Ovide). Lui-même
se situe dans les seconds tandis que les premiers seraient responsable
de l'ensemble des malheurs de l'humanité (l'Inquisition, c'est la faute
de Platon). Ce qui est touchant chez Michel Onfray, c'est que bien que
son argumentation soit rigoureuse, j'ai le sentiment que ses idées
proviennent en réalité d'abord de raisons personnelles. Qu'elles qu'en
soit les causes, cela n'enlève d'ailleurs rien à leur valeur et c'est
peut être le cas pour la majorité d'entre nous. En véritable philosophe,
il a cependant le courage de ne vouloir juger une idée qu'à l'aune de
sa propre réflexion, ce qui l'amène comme beaucoup d'intellectuels à se
tromper peut être tout autant, mais de manière différente que le commun
des mortels. Par contre, autant sa prise de parole est claire et
concise, autant son style à l'écrit est excessivement recherché
(complexe par rapport à ses origines modestes ?). Malgré quelques
erreurs lorsqu'il s'aventure sur des sujets qu'il ne connait pas (la
prétendue liberté sexuelle que connaitrait l'Asie...), sa démonstration
permet de prendre du recul par rapport à notre conditionnement social
concernant notre vision des relations amoureuses, et en particulier le
couple érigé en modèle. En effet, que ce soit dans le Banquet de
Platon ou à travers les écrits parfois délirants des théoriciens du
christianisme, l'idéologie dominante en Europe depuis deux mille ans
dégrade le plaisir sexuel et glorifie l'amour spirituel monogame. Ce qui
selon notre auteur, amènerait dégout du corps, misogynie et intolérance
vis à vis de tout ce qui serait considéré comme "impur". Que l'on soit
d'accord ou non avec ces conclusions, ce regard critique aide l'individu
à s'émanciper et ainsi à faire un choix. En fin de compte, la
philosophie c'est un peu comme l'éducation populaire : permettre à tous
de se former tout au long de sa vie afin d'être libre.
Phèdre, Platon
Esprit de contradiction, quand tu nous tiens... Après avoir lu tant
de mal sur Platon, il fallait absolument que je me refasse une opinion.
Au final, le papy de la philosophie paraît bien inoffensif. Et pourtant,
on est ici en plein dans le sujet qui met hors de lui tonton Onfray,
puisque dans ce texte Socrate s'attache à prouver l'immortalité de l'âme
(par un raisonnement bidon, soit dit en passant). Ce que j'aime chez
lui, c'est que comme dans Le Banquet, on sent qu'il s'agit encore
d'une civilisation de l'oral. Les démonstrations sont parsemées
d'anecdotes en apparence anodine, qui rendent la lecture plaisante et
dont on ne sait quelle part est due au hasard. Personnellement cela me
fait penser aux Evangiles.
Légendaire, Anthologie
Moi qui me plaignait justement de la monotonie de la littérature en
Fantasy, genre que pourtant j'apprécie, ce recueil de nouvelles en est
le parfait contre-exemple. Pas une seule vraie fausse note et de
nombreuses perles parmi ces textes écrits par des auteurs français, dont
tous sauf deux avaient moins de trente ans au moment de la publication.
Félicitations en particulier à Fabrice Colin, Mathieu Gaborit et Magali
Ségura pour leur style et leur imagination. A coté de cela, d'honnêtes
pastiches de Roger Zelazny, Jack Vance ou Glen Cook qui soulignent la
difficulté de s'éloigner des influences anglo-saxonnes. Sans conteste
une réussite cependant, que l'ont peut attribuer à Stéphane Marsan pour
avoir réuni ces textes. Un vent rafraichissant dans une contrée
littéraire qui à tendance à prendre la poussière.
Le barbier de Séville, Caron de Baumarchais
Célèbre comédie dans la lignée de celles de Molière (ce dont l'auteur
ne se cache pas dans sa lettre à la critique), avec des quiproquos, un
ton irrévérencieux et une attention peut être encore plus recherchée
dans le style. Comme pour beaucoup de pièces, j'ai cependant du mal à me
faire une idée à la simple lecture de ce que cela doit donner sur
scène.
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard
Souvenirs... Un livre commencé la première fois alors que je partais
pour deux semaines inoubliables à Istanbul avant de venir m'installer à
Rome. Comme un pont entre l'Europe et l'Orient, pont que doit construire
symboliquement Michel-Ange pour relier les deux continents à la demande
du sultan Bayazid. Et en effet, c'est un choc culturel qu'expérimente
l'artiste, résolu en partie à travers son amitié ambiguë avec le poète
ottoman Mesihi de Pristina. Lecture abandonnée une première fois donc,
car je n'étais pas dans les dispositions adéquates. Il est vrai que
l'intérêt de ce récit ne se trouve pas dans l'histoire, mais dans la
description des sensations, des peurs et des étonnements de l'artiste
face à ce monde inconnu. Une écriture recherchée, faite de touches
impressionnistes distribuées en chapitre parfois d'une seule page. Un
long poème en quelque sorte, sur une expérience que le génie italien
traverse comme dans un rêve
Il y aurait de nombreux titres à ajouter à cette liste, car comme
Pennac je me réserve le droit de ne pas finir un livre (en particulier
quand il est mauvais, ce qui explique la relative mansuétude de mes
critiques). Parmi ceux-ci, citons quand même "Paradis perdu, suivi de La
cinquième colonne" d'Hemingway, qui malgré son indéniable talent est
vraiment trop distant pour moi. Pas abandonné mais en pause, "Les frères
Karamazov" de Dostoïevski, génial mais l'équivalent en littérature du
pudding et je préfère prendre mon temps pour continuer de le dévorer
avec plaisir. Après coup, je me rends compte que non seulement
cette année la moitié des auteurs que j'ai lus étaient anglo-saxons,
mais qu'en plus il n'y avait que cinq femmes dans le lot ! Non que je
pense devoir respecter une quelconque parité dans mes choix, il est
quand même dommage de ne pas plus m'ouvrir sur d'autres horizons :
maintenant que j'en ai conscience, je suis sur que mes envies en
tiendront compte.
samedi 31 janvier 2015
mercredi 14 janvier 2015
Lectures 2014 - première partie
Comme l'année est presque écoulée, j'avais envie de faire un
compte-rendu des 28 lectures effectuées durant cette période. Un bilan
avec cette fois un certain nombre de livres avant tout "divertissants",
peut être pour compenser des lectures obligatoires. Voyons voir, j'ouvre
mon carnet et je commence par...
Une pièce de théâtre que l'atelier théâtre de l'ULB avait envisagé de jouer, proposée par un ami. Une maladie mortelle décime la population mondiale, un médecin trouve un remède et soigne gratuitement les pauvres, mais refuse de s'occuper des riches s'ils ne mettent pas un terme aux guerres et aux injustices sociales. Une intrigue simple et bien construite, efficace même, qui traite de grands thèmes sociaux avec humanité. Par rapport à L'invitation au château qui a finalement été retenu, manque peut être d'un grain de "Dali".
Terry Pratchett quitte pour une fois les rivages de la fantasy, pour nous embarquer à la suite d'un jeune "ravageur" sans le sou dans le Londres de Dickens, qui y fait d'ailleurs plus d'une apparition. Toujours drôles et délirants, ses récits souffrent parfois d'un manque de construction et du syndrome du "grand-n'importe-quoi". Pas ici, avec cette histoire très bien écrite et publiée récemment, alors que l'auteur avait sans doute déjà pris "de la bouteille".
La pièce qui a été jouée par l'atelier théâtre de l'Université Libre de Bruxelles fin mars 2014 et dans laquelle j'ai eu le plaisir d'interpréter le rôle des jumeaux Horace et Frédéric. Autant l'un est dominateur et sur de lui, autant l'autre est timide et sensible. C'est au second que va se fiancer la belle et richissime Diana Messerschmann, qui semble pourtant préférer le premier. Celui-ci invite alors une jeune danseuse à un bal afin que son frère en tombe amoureux... Une comédie légère en apparence, qui prend parfois des airs de vaudeville, mais révèle sa nature complexe au fur et à mesure que se dévoile l'intrigue. En effet, chaque personnage est obligé de se positionner par rapport à une société cynique qui n'apporte de l'importance qu'au pouvoir et à l'argent. Des dialogues ciselés, une certaine finesse, une mécanique implacable, beaucoup d'humour, certaines libertés prises avec les conventions théâtrales et un regard sur le monde finalement assez désabusé. Pas de doute, ce petit bijou ne mérite pas le relatif oubli dans lequel il demeure.
Déjà lu il y a plusieurs années, relu pour un cours de littérature, ce dernier m'a permis de mieux comprendre ce roman, notamment les influences du bouddhisme et du behaviorisme sur l'auteur. Contrairement à 1984 de George Orwell, la dictature décrite ici ne s'applique pas tant par la force et le contrôle politique des gens que sur leur conditionnement. Au delà de l'histoire et de l'ironie omniprésente, qui en valent la peine pour eux-même, ce livre nous en dit surtout beaucoup sur l'évolution de la société et la nature humaine.
Mike Resnick, que j'ai découvert par hasard il y a quelques années, est selon moi l'un des très bons écrivains de science-fiction actuels. Comme dans tout les autres livres que j'ai lu de lui, il allie un certain classicisme, une écriture fluide et un univers original qui mélange les voyages dans l'espace et l'Afrique. Cette fois le personnage principal aide le dernier descendant des massaï à retrouver les défenses d'un éléphant tué sur terre il y a des milliers d'années. Chaque découverte est un prétexte à un chapitre qui raconte un passage de l'histoire de cet objet qui a porté malheur à tout ses propriétaires. Divertissant, Ivoire est tout de même un cran en dessous des romans faisant partie de L'infernale Comédie, qui comportent une réflexion sur la colonisation.
Imaginez, vous êtes seul dans votre grande demeure campagnarde, tandis que le vent et la pluie tempêtent à l'extérieur. Vous essayez péniblement de vous rapprocher du feu, mais votre âme est rongée par la passion, l'orgueil, la rancœur... Ce classique de la littérature britannique, torturé, douloureux, summum de la tendance anglaise pour le masochisme, est uniquement concentré sur les circonvolutions de l'âme humaine. Grande recherche de la complexité des personnages, légèrement agaçants sur les bords. Plus romantique, tu meurs.
Encore un Terry Pratchett ! Oui, car les connaisseurs disent "un Terry Pratchett", comme on dit "un Woody Allen", tellement chacune de leur œuvre leur ressemble. Cet épisode du cycle du Disque-monde fait partie de ceux concernant la garde de la cité d'Ank-Morpok, mais peut se lire indépendamment des autres. Et au delà du rire toujours présent, on peut se surprendre à apprécier les réflexions politiques développées par l'auteur...
Là encore une obligation, mais effectuée avec plaisir. Un style magnifique, dont je ne sais quelle part de mérite doit être attribuée au traducteur. L'auteur, en véritable dandy, décrit les apparences pour sonder les cœurs. Un monde superficiel, des personnages avec lesquels on garde toujours une certaine distance, mais de très belles pages.
San Antonio c'est.une verve, un style vivant, jouissif et inimitable. Pour le reste, on a parfois l'impression qu'il écrit ses bouquins en deux semaines afin de mettre du beurre dans ses épinards. Mais il y a des livres que l'on choisit aussi en hommage à la donzelle...
Simak est depuis longtemps mon écrivain de science-fiction préféré avec son compatriote Bradbury. Seulement, après avoir dévoré ses chefs-d’œuvre (Au carrefour des étoiles, Dans le torrent des siècles...) beaucoup de ses livres m'ont déçu. Comme la majorité des auteurs de l'époque dans ce genre (Isaac Asimov, Fredric Brown...) sa production est très inégale car soumise à des impératifs financiers. Ce livre est à peu près dans la moyenne, avec un style classique et proche du policier, des incohérences de scénario que la légèreté de la narration fait oublier et une très bonne idée : au lieu d'envahir la terre, les extra-terrestres ont décidé de l'acheter petit à petit jusqu'à la contrôler. Après avoir fini ce roman, je n'arrivais toujours pas à décider si Simak dans les années 60 avait conscience de l'aspect subversif de son livre et de la critique sociale qu'il constitue vis à vis du capitalisme. Le titre, identique en anglais, semble pourtant le confirmer et il est donc dommage de le trouver aussi en français sous celui d'Une certaine odeur.
Après avoir lu de cet écrivain "Le tombeau d'Anubis", excellent roman Steampunk, j'avais envie de continuer l'aventure. Ce livre n'a pas tout le talent de son aîné mais lui ressemble en bien des points, notamment de se dérouler dans un cadre historique traversé par la magie. Vienne est assiégée par l'empire ottoman, mais derrière les guerres des nations, une autre bataille plus importante se déroule entre les puissances magiques de l'occident et de l'orient. En effet, si Vienne tombe, c'est le cœur spirituel de l'Europe qui disparait puisqu'il est situé dans... une bière unique fabriquée dans une brasserie de la ville. Du coup, qui mieux qu'un mercenaire alcoolique pour défendre les valeurs occidentales ? Un bon roman de fantasy, ni plus, ni moins.
L'auteur le dit lui-même dans l'une de ses interviews : ses romans ne sont que des prétextes pour faire passer "de la philosophie de contrebande". Ce à quoi on peut objecter en citant la fameuse phrase qu'aurait prononcée Mallarmé : "Ce n'est pas avec des idées que l'on fait des vers, mais avec des mots". En effet, si les réflexions de Tournier sur les dangers d'une société de l'image véhiculée par la culture occidentale sont extrêmement pertinentes, si la comparaison apportée par la civilisation "arabe" est bienvenue, la répétition des situations, le manque de subtilité des démonstrations et la sécheresse du style peuvent en décourager plus d'un.
Il ne s'agit pas d'une suite au Meilleur des mondes, mais d'un essai écrit une vingtaine d'années plus tard, qui explicite et développe les théories qui sous-tendent le roman. Et c'est à ce moment seulement que je me suis aperçu du génie de l'auteur. Huxley y présente une vision extrêmement pessimiste de notre société, où les progrès de la science comportementale permettent un contrôle de plus en plus important des êtres humains. Il conclut sa présentation par un appel libertaire à la résistance intellectuelle, presque désespéré. Écrit en 1958, certains arguments sont datés mais le reste était visionnaire.
To be à suivred...
La maladie blanche, Karel Capek
Une pièce de théâtre que l'atelier théâtre de l'ULB avait envisagé de jouer, proposée par un ami. Une maladie mortelle décime la population mondiale, un médecin trouve un remède et soigne gratuitement les pauvres, mais refuse de s'occuper des riches s'ils ne mettent pas un terme aux guerres et aux injustices sociales. Une intrigue simple et bien construite, efficace même, qui traite de grands thèmes sociaux avec humanité. Par rapport à L'invitation au château qui a finalement été retenu, manque peut être d'un grain de "Dali".
Roublard, Terry Pratchett
Terry Pratchett quitte pour une fois les rivages de la fantasy, pour nous embarquer à la suite d'un jeune "ravageur" sans le sou dans le Londres de Dickens, qui y fait d'ailleurs plus d'une apparition. Toujours drôles et délirants, ses récits souffrent parfois d'un manque de construction et du syndrome du "grand-n'importe-quoi". Pas ici, avec cette histoire très bien écrite et publiée récemment, alors que l'auteur avait sans doute déjà pris "de la bouteille".
L'invitation au château, Jean Anouilh
La pièce qui a été jouée par l'atelier théâtre de l'Université Libre de Bruxelles fin mars 2014 et dans laquelle j'ai eu le plaisir d'interpréter le rôle des jumeaux Horace et Frédéric. Autant l'un est dominateur et sur de lui, autant l'autre est timide et sensible. C'est au second que va se fiancer la belle et richissime Diana Messerschmann, qui semble pourtant préférer le premier. Celui-ci invite alors une jeune danseuse à un bal afin que son frère en tombe amoureux... Une comédie légère en apparence, qui prend parfois des airs de vaudeville, mais révèle sa nature complexe au fur et à mesure que se dévoile l'intrigue. En effet, chaque personnage est obligé de se positionner par rapport à une société cynique qui n'apporte de l'importance qu'au pouvoir et à l'argent. Des dialogues ciselés, une certaine finesse, une mécanique implacable, beaucoup d'humour, certaines libertés prises avec les conventions théâtrales et un regard sur le monde finalement assez désabusé. Pas de doute, ce petit bijou ne mérite pas le relatif oubli dans lequel il demeure.
Le meilleur des mondes, Aldoux Huxley
Déjà lu il y a plusieurs années, relu pour un cours de littérature, ce dernier m'a permis de mieux comprendre ce roman, notamment les influences du bouddhisme et du behaviorisme sur l'auteur. Contrairement à 1984 de George Orwell, la dictature décrite ici ne s'applique pas tant par la force et le contrôle politique des gens que sur leur conditionnement. Au delà de l'histoire et de l'ironie omniprésente, qui en valent la peine pour eux-même, ce livre nous en dit surtout beaucoup sur l'évolution de la société et la nature humaine.
Ivoire, Mike Resnick
Mike Resnick, que j'ai découvert par hasard il y a quelques années, est selon moi l'un des très bons écrivains de science-fiction actuels. Comme dans tout les autres livres que j'ai lu de lui, il allie un certain classicisme, une écriture fluide et un univers original qui mélange les voyages dans l'espace et l'Afrique. Cette fois le personnage principal aide le dernier descendant des massaï à retrouver les défenses d'un éléphant tué sur terre il y a des milliers d'années. Chaque découverte est un prétexte à un chapitre qui raconte un passage de l'histoire de cet objet qui a porté malheur à tout ses propriétaires. Divertissant, Ivoire est tout de même un cran en dessous des romans faisant partie de L'infernale Comédie, qui comportent une réflexion sur la colonisation.
Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë
Imaginez, vous êtes seul dans votre grande demeure campagnarde, tandis que le vent et la pluie tempêtent à l'extérieur. Vous essayez péniblement de vous rapprocher du feu, mais votre âme est rongée par la passion, l'orgueil, la rancœur... Ce classique de la littérature britannique, torturé, douloureux, summum de la tendance anglaise pour le masochisme, est uniquement concentré sur les circonvolutions de l'âme humaine. Grande recherche de la complexité des personnages, légèrement agaçants sur les bords. Plus romantique, tu meurs.
Ronde de nuit, Terry Pratchett
Encore un Terry Pratchett ! Oui, car les connaisseurs disent "un Terry Pratchett", comme on dit "un Woody Allen", tellement chacune de leur œuvre leur ressemble. Cet épisode du cycle du Disque-monde fait partie de ceux concernant la garde de la cité d'Ank-Morpok, mais peut se lire indépendamment des autres. Et au delà du rire toujours présent, on peut se surprendre à apprécier les réflexions politiques développées par l'auteur...
Le portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde
Là encore une obligation, mais effectuée avec plaisir. Un style magnifique, dont je ne sais quelle part de mérite doit être attribuée au traducteur. L'auteur, en véritable dandy, décrit les apparences pour sonder les cœurs. Un monde superficiel, des personnages avec lesquels on garde toujours une certaine distance, mais de très belles pages.
Mes hommages à la donzelle, San Antonio
San Antonio c'est.une verve, un style vivant, jouissif et inimitable. Pour le reste, on a parfois l'impression qu'il écrit ses bouquins en deux semaines afin de mettre du beurre dans ses épinards. Mais il y a des livres que l'on choisit aussi en hommage à la donzelle...
Eux qui marchent comme les hommes, Clifford D. Simak
Simak est depuis longtemps mon écrivain de science-fiction préféré avec son compatriote Bradbury. Seulement, après avoir dévoré ses chefs-d’œuvre (Au carrefour des étoiles, Dans le torrent des siècles...) beaucoup de ses livres m'ont déçu. Comme la majorité des auteurs de l'époque dans ce genre (Isaac Asimov, Fredric Brown...) sa production est très inégale car soumise à des impératifs financiers. Ce livre est à peu près dans la moyenne, avec un style classique et proche du policier, des incohérences de scénario que la légèreté de la narration fait oublier et une très bonne idée : au lieu d'envahir la terre, les extra-terrestres ont décidé de l'acheter petit à petit jusqu'à la contrôler. Après avoir fini ce roman, je n'arrivais toujours pas à décider si Simak dans les années 60 avait conscience de l'aspect subversif de son livre et de la critique sociale qu'il constitue vis à vis du capitalisme. Le titre, identique en anglais, semble pourtant le confirmer et il est donc dommage de le trouver aussi en français sous celui d'Une certaine odeur.
Les chevaliers de la brune, Tim Powers
Après avoir lu de cet écrivain "Le tombeau d'Anubis", excellent roman Steampunk, j'avais envie de continuer l'aventure. Ce livre n'a pas tout le talent de son aîné mais lui ressemble en bien des points, notamment de se dérouler dans un cadre historique traversé par la magie. Vienne est assiégée par l'empire ottoman, mais derrière les guerres des nations, une autre bataille plus importante se déroule entre les puissances magiques de l'occident et de l'orient. En effet, si Vienne tombe, c'est le cœur spirituel de l'Europe qui disparait puisqu'il est situé dans... une bière unique fabriquée dans une brasserie de la ville. Du coup, qui mieux qu'un mercenaire alcoolique pour défendre les valeurs occidentales ? Un bon roman de fantasy, ni plus, ni moins.
La goutte d'or, Michel Tournier
L'auteur le dit lui-même dans l'une de ses interviews : ses romans ne sont que des prétextes pour faire passer "de la philosophie de contrebande". Ce à quoi on peut objecter en citant la fameuse phrase qu'aurait prononcée Mallarmé : "Ce n'est pas avec des idées que l'on fait des vers, mais avec des mots". En effet, si les réflexions de Tournier sur les dangers d'une société de l'image véhiculée par la culture occidentale sont extrêmement pertinentes, si la comparaison apportée par la civilisation "arabe" est bienvenue, la répétition des situations, le manque de subtilité des démonstrations et la sécheresse du style peuvent en décourager plus d'un.
Retour au meilleur des mondes, Aldoux Huxley
Il ne s'agit pas d'une suite au Meilleur des mondes, mais d'un essai écrit une vingtaine d'années plus tard, qui explicite et développe les théories qui sous-tendent le roman. Et c'est à ce moment seulement que je me suis aperçu du génie de l'auteur. Huxley y présente une vision extrêmement pessimiste de notre société, où les progrès de la science comportementale permettent un contrôle de plus en plus important des êtres humains. Il conclut sa présentation par un appel libertaire à la résistance intellectuelle, presque désespéré. Écrit en 1958, certains arguments sont datés mais le reste était visionnaire.
To be à suivred...
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