Extrait :
Or, elle n'en faisait rien; parfois même, elle m'incitait à parler... pour se moquer, bien sur. J'en suis certain, car je l'ai senti : cela lui était agréable, après m'avoir écouté et exaspéré jusqu'à la souffrance, de me déconcerter brusquement par quelque marque éclatante de mépris ou d’indifférence. Et cependant elle sait que je ne puis vivre sans elle. Ainsi, voici trois jours qu'à eu lieu l'histoire avec le baron, et je ne peux déjà plus supporter notre SÉPARATION. Lorsque je l'ai rencontrée tout à l'heure près du casino, mon cœur s'est mis à battre si fort que j'en ai pâli. Et elle non plus ne peut pas vivre sans moi! Je lui suis nécessaire... est-il possible que ce soit seulement comme bouffon?
Deux amis qui ont du cœur et de la cervelle (combinaison plus rare chez les gens qu'une quinte-flush dans une partie de poker), m'ont fortement conseillé de lire Dostoïevski. Comme je n'avais pas été entièrement convaincu après avoir commencé L'idiot (abandonné en cours de route), l'un d'entre eux m'a dit d'essayer Le joueur, récit plus court et qui l'avait particulièrement marqué. En effet les deux livres sont différents, le second étant plus facile à lire et comportant moins de digressions, car paradoxalement écrit dans l'urgence... pour répondre à des dettes de jeu. D'autres éléments d'ailleurs puisent dans la vie privée de l'auteur, le personnage de Pauline dont il est fait référence dans la citation plus haut, porte le même prénom qu'une amante avec qui il a fait un voyage peu avant. Pour celui-ci comme pour les autres, Dostoïevski a un véritable talent pour sonder l'âme humaine et les comportements de chacun. Tout l'intérêt du livre se trouve ici, un peu comme chez Maupassant et avec parfois la même bouffonnerie que chez Tchekhov (les deux se trouvant décidément cités dans presque tout mes articles). Le narrateur est assez désespéré, cynique, désabusé et surtout partage ce qui semble être l'aigreur de son inventeur. Un détail qui m'a marqué est que le livre est souvent violemment antifrançais, à un point qui pourrait passer pour du racisme s'il était publié aujourd'hui. Il faut se rappeler que le 19ème siècle est l'époque des généralités sur les nationalités (enfin, disons encore plus qu'aujourd'hui...), ce que l'on retrouve cette fois de façon positive sur les occidentaux dans les romans de Jules Verne. Il est tout de même intéressant d'observer que Dostoïevski (qui est russe) fait le même reproche que Kundera (qui lui, est tchèque) à nos compatriotes, c'est à dire de manquer de sentiments et d'avoir trop de manières. C'est à mon avis une interprétation erronée (un peuple pourrait il avoir plus de sentiments qu'un autre ?) d'une véritable différence culturelle, que nous, nous appelons de manière moins négative mais sans doute tout aussi fausse, "l'âme russe".
Note : 4/5
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