jeudi 28 juillet 2011

Antigone - Henry Bauchau


Une belle lecture et une déception. Un livre enrichissant grâce à la maturité de l'écriture d'Henry Bauchau, arrivé au crépuscule de sa vie. Au delà des figures de style et de la virtuosité, les mots sont dépouillés de ces oripeaux pour dire l'essentiel. Ce qui est le sens même de la tragédie grecque. Suite d’Œdipe sur la route qui narrait la longue errance du roi de Thèbes et de sa fille sur les chemins de la Grèce, cette fois c'est le retour d'Antigone dans sa ville natale, pour mettre fin à la guerre à laquelle se livrent ses deux frères, qui nous est raconté. Bien que les deux œuvres possèdent indéniablement les mêmes qualités, Antigone n'atteint pas la profondeur et la justesse de ton de son ainé. Pour cela il faudrait le morceau de bravoure qu'est la sculpture d'une immense vague par Œdipe, ou les moments de grâce comme le mythe de la princesse qui emmenait son peuple se réfugier dans les cavernes. Il y a même certains moments de faiblesse, comme le dernier passage, interminable. Tout comme Antigone, cela nous manque de ne plus voir le dos de l'illustre aveugle avancer le long de la route. Mais il est injuste de juger cet écrit par rapport à un autre. En comparaison d'un chef d’œuvre, tout les livres sont décevants. Et Henry Bauchau a réussi à renouveler le miracle.

Extrait :
"C'est beau, Antigone. C'est elle et ce sont eux. C'est la beauté de notre mère, non pas comme elle était mais dans leurs regards. Etéocle qui sait qu'il est fasciné, presque aveuglé, et Polynice qui l'est aussi mais qui, enfermé dans sa gloire, l'ignore.
C'est aussi tellement toi, Antigone, cette confiance intarissable dans l'action de la vérité, dont on ne sait si elle est magnifique ou seulement idiote. Crois-tu qu'on peut sans délirer, espérer comme tu fais ? Est-ce que tu penses que les jumeaux te comprendront et que même s'ils te comprennent, cela les fera sortir de leur passions ? J'ai peur de l'esprit d'incendie que je vois dans notre famille. Moi aussi, souvent, je suis folle. Je voulais te dire : Pars, pars vite avec Hémon et je me suis rétractée. Je me rétracte encore en te disant : Ne pars pas, ne m'abandonne pas à Thèbes pour la deuxième fois. Va à la catastrophe avec nous, puisque c'est ce que veut ton courage.
Tes sculptures sont une œuvre d'amour. Elle touchera, elle blessera les jumeaux, elle ne les arrêtera pas. La destruction les fascine comme elle a fasciné un jour notre mère. Est-ce qu'aujourd'hui elle ne te fascine pas, toi aussi ?"
Note : 4/5

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