J'ai découvert cet opuscule il y a un peu plus d'un an. C'est un des plus fidèles compagnons de ma vie depuis, et je relis ces quelques pages régulièrement, quand le besoin s'en fait sentir. Je me désaltère à cette source merveilleuse de consolation, justement. Car, pour moi, il n'y a rien là de désespérant, malgré la teinte désespérée de toutes les phrases : c'est une eau vive et fraiche qui m'apporte réconfort, plaisir, espoir.
C'est un de ces morceaux de poésie pure qui cristallisent tout ce en quoi vous croyez, et même, peut-être, ce en quoi vous croirez. Un éclat devant lequel on ne peut que s'incliner, et savourer chaque mot, chaque idée. Car c'est ce qui m'impressionne le plus : l'essai est à la foi d'une beauté à couper le souffle et d'une puissance philosophique personnelle incroyable. Les gouttes d'un l'alambic qui distillerait l'absolu. C'est bien mon sentiment face à ces mots de Dagerman : le sentiment de me trouver face à un absolu.
Le seul sentiment proprement négatif que j'en retire, c'est que je me sens misérablement incapable d'écrire quelque chose qui possède le dixième de ce génie. Tout est là. Que faire, qu'écrire, après ça ? Un de mes anciens professeurs m'avait dit un jour : « Si je n'écris pas, c'est à cause de Racine. Il me suffit de lire des vers de Racine pour calmer toute velléité à devenir écrivain. » Ils sont nombreux, en effet, ces auteurs magistraux que l'on sait bien être incapable de jamais égaler. Mais il y a toujours, enfouie quelque part au fond de soi, l'idée – désir surtout – que l'on pourra écrire quelque chose qui soit un tant soit peu nouveau, particulier, intéressant. Mais je ne vois certes pas comment rivaliser avec l'absolu.
Alors, lisez Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, comme je le lis, pour le plaisir, par une belle soirée d'automne, ou bien parce qu'une épreuve se présente qui exige toute votre énergie positive : rupture, ou temps de deuil comme aujourd'hui. Merci Stig Dagerman.
Extrait
« Mais, venant d'une direction que je ne soupçonne pas encore, voici que s'approche le miracle de la libération. Cela peut se produire sur le rivage, et la même éternité qui, tout à l'heure, suscitait mon effroi est maintenant le témoin de mon accession à la liberté. En quoi consiste donc ce miracle ? Tout simplement dans la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun être humain, n'a le droit d'énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s'étioler. Car si ce désir n'existe pas, qu'est-ce qui peut alors exister ? »